La carrière de Harry Blackstone (1885-1965) débuta à la belle époque du "music-hall". Derrière les rideaux fermés de la scène, on pouvait entendre le bruit ronflant d'un moteur. Lorsque les rideaux s'ouvraient, Blackstone vêtu de blanc s'avançait vers le centre de la scène où tournait une énorme scie circulaire. Blackstone se saisissait d'une planche et la coupait en deux, puis s'approchant du public avec ces deux morceaux de bois, il expliquait ce qui allait se passer. Son assistante était alors installée sur la plate-forme de la scie, puis il coupait à vue ce qui était apparemment le ventre de l'infortunée. Ensuite, il inversait la formule magique et son assistante venait saluer le public, indemne.
Quand il présentait ses illusions, Blackstone n'avait pas la lourdeur de ses prédécesseurs Kellar et Thurston. Les temps avaient changé et le public aussi. Les foules qui se bousculaient à l'entrée des théâtres n'appréciaient plus guère les spectacles lents des grands magiciens du passé. Avec tact et allure, s'appuyant sur une mise en scène en accord avec son époque, Blackstone apporta du nouveau à la magie. Il faisait son entrée sur scène en cape et costume de soirée, puis il lançait ses gants blancs en l'air qui se changeaient en colombes. Pour terminer son spectacle, il présentait un numéro où le magicien est menacé par un voleur à barbe blanche, brandissant un revolver. Il disparaissais mystérieusement pour ne réapparaître qu'au moment de saluer son public, sous les traits de l'homme aux favoris blancs. Le public admirait ce maître du spectacle dont la technique était rodée par plusieurs années de tournées. De nos jours, il n'y a plus guère d'endroit dans le "show-business" où l'on puisse s'enrichir de ce genre d'expérience...
Au fil des années, Blackstone présenta des pièces magiques ponctuées de plusieurs illusions, s'articulant au sein d'un contexte dramatique. Parmi ces numéros, on trouvait « le cheval qui s'évapore » (parfois remplacé par un dromadaire !) et le fameux tour de « la corde indienne ». Dans un autre tour, Blackstone, ligoté devant un énorme canon, disparaissait dans une énorme bouffée de fumée lorsque le canon faisait feu. Un peu plus tard, l'Indien barbu qui avait tiré le coup de canon, enlevait son déguisement et l'on reconnaissait Blackstone. S'il utilisait « la femme flottante » comme clou de son spectacle, il avait également créé d'autres illusions comme celle du mouchoir emprunté dans la salle et qui dansait sur scène un étonnant ballet fantôme. Il faisait également flotter en l'air un verre de lait, et même une ampoule électrique qui brûlait sans être reliée à aucun fil. Il faisait disparaître une cage et l'oiseau qu'elle contenait. Bientôt, dans le monde entier, des magiciens firent flotter des dames dans les airs, mais généralement de façon moins spectaculaire que Blackstone et Thurston. Ayant renoncé aux spectacles réguliers vers 1955, Blackstone se retira à Hollywood (Californie) et il se contenta d'apparitions occasionnelles à la télévision.