Les exploits des magiciens durent depuis tant de siècles qu'on ne peut dire avec exactitude quand ils ont commencé. Cet art de l'illusion est sans doute né dans les fabuleux pays d'Orient. Les explorateurs qui s'aventurèrent dans les contrées mystérieuses de l'Inde et de l'Orient en ramenèrent des contes fantastiques remontant à la nuit des temps. Mais leurs récits sont colorés de tant d'imagination qu'il est difficile de séparer le réel de la fantaisie pure. L'Inde fut dit-on le berceau de miracles comme la croissance instantanée d'un manguier hors d'une graine, sous les yeux des spectateurs, ou encore la transformation de baguettes de bois en serpents...
Les tours de passe-passe devaient être une forme d'amusement courante au temps des Égyptiens, puisqu'on a trouvé une scène illustrant le célèbre jeu des gobelets et des muscades sur les parois d'un tombeau de Beni Hassan, datant d'environ 2 500 ans avant Jésus-Christ. Le papyrus Westcar fait état d'une représentation, donnée sur ordre du roi, par un prestidigitateur nommé Dedi au palais de Chéops. Dedi pouvait couper la tête d'une oie et la lui remettre. Si les magiciens Égyptiens distrayaient déjà leur public avec des gobelets et des boules 2 000 ans avant Jésus-Christ, les prestidigitateurs chinois enclavaient des anneaux de métal comme le font nos magiciens modernes. Le riz leur sautait d'une main à l'autre, et ils faisaient apparaître des bocaux où nageaient des poissons rouges. Au Japon, les grands classiques consistaient à transformer un morceau de papier en papillon, à faire passer une corde au travers d'un cou ou à faire jaillir des fontaines d'eau.
En Europe, durant la première moitié du XVIIIe siècle, les magiciens étaient des amuseurs ambulants qui donnaient leur spectacle dans la rue ou lors de foires, accompagnant les jongleurs, les acrobates et les conteurs. Parfois, ils étaient invités à présenter leur spectacle dans les châteaux. Leur répertoire se limitait aux trucs courants: encore les gobelets aux muscades, couper et réparer des cordes et s'enfoncer des couteaux dans les mains, les bras ou le corps. Les tours de cartes devinrent populaires en Europe dès que les jeux imprimés furent suffisamment bon marché pour que chacun puisse acquérir le sien. A travers tout le Moyen Age et jusqu'à la moitié du XVIIIe siècle, le bateleur portait généralement une sorte de grand tablier, muni d'une vaste poche contenant les objets dont il avait besoin pour présenter ses trucs. Cette poche servait aussi à cacher ses mains lorsqu'il voulait échanger ou empalmer quelque objet. Les bateleurs de foires et les magiciens exerçant chez les nobles et les riches introduirent rapidement des tours de cartes dans leur répertoire. Nombre de ces premiers tours comportaient des manipulations, des prédictions ou des combinaisons mathématiques. L'image qu'on avait du magicien était celle d'un amuseur ambulant, pratiquant en plein air et sortant de multiples objets de la grande poche de son tablier ou du sac qu'il portait sur l'épaule. C'est peut-être de là que vient l'expression «avoir plus d'un tour dans son sac»...